28/09/2008
Hal Foster : Le retour du réel
Hal Foster s’inscrit dans la tradition américaine de la critique d’art initiée dans les années 1970 par les créateurs de la revue October (R. Krauss et B. Buchloh) - pour qui l’intérêt des textes critiques réside dans leur méthode - reposant sur une vision non idéaliste de l’histoire issue du Structuralisme et Poststructuralisme. Le Retour du réel constitue un recueil de textes et articles publiés en 1996 aux Etats-Unis [1] dont la démarche théorique consiste à éclairer le présent par le passé. Foster s’appuie ainsi sur des écrits théoriques (philosophiques, anthropologiques, linguistiques, historiques) qui eux-mêmes tentent d’éclairer leur temps présent à l’aide de leurs prédécesseurs. La citation faite de Foucault dès les premières pages nous permet de prendre la mesure de la nécessité selon lui du retour au passé considéré comme la manifestation du réel : « Dans » Qu’est-ce qu’un auteur « » - un texte écrit en 1969 alors que de tels retours abondent -, Michel Foucault évoque en passant Marx et Freud comme les « instaurateurs de discursivité » et se demande pourquoi, à certaines époques particulières, on ressent un tel besoin de revenir aux textes fondateurs du marxisme et de la psychanalyse, et d’y revenir, qui plus est, pour en produire une lecture rigoureuse [2]. ?
Cette importance donnée à la réactualisation du passé par le présent lui permet de développer sa théorie de l’après-coup - ici encore empruntée à un prédécesseurs, le même Sigmund Freud [3] - opérant ici une analogie avec l’apparition des avant-gardes : « suivant un relais complexe d’anticipation et de reconstruction » .
Il s’agit donc pour Foster de tenter une redéfinition de la notion d’avant-garde, de son émergence dans les années 1910-1920, communément appelée avant-garde historique jusqu’à ses formes les plus récentes, définies pour l’après-guerre, par le terme de néo- puis par celui de post-.
Pour se faire, Foster s’appuie sur Bürger [4] qui reste pour lui la référence sur cette question, tout en en dénonçant les limites [5] , se positionnant ainsi en deçà. Définissant l’avant-garde historique comme « une co-articulation cruciale des formes artistiques et politiques » [6].
Foster fait ainsi apparaître ses successeurs, les tenants de la Néo-avant-garde [7] , comme s’attachant ? à défaire cette co-articulation de l’art et du politique que travaillent le récit posthistorique de la néo-avant-garde ainsi que la notion éclectique du postmoderne. De là la nécessité de tracer de nouvelles généalogies pour l’avant-garde qui restituent la complexité de son passé et soutiennent son avenir. «
C’est le temps qui travaille chez Foster, qui fait apparaître, disparaître, réapparaître : » Un événement ne s’enregistre qu’à travers un autre qui le code ; nous en arrivons à n’être qui nous sommes que dans l’après coup [8]. « , ou encore » ce n’est qu’avec le moment du minimalisme que l’avant-garde est devenue clairement consciente d’elle-même. ? [9].
La notion de Temps induit celle de la distance, distance avec le référent, avec le sujet, avec l’Autre - culturel ou inconscient. Mais pour être efficiente, faut-il encore trouver la « bonne distance » .
Qu’il s’agisse de réactivation, de répétition, de distance, c’est le processus du passage qui est en jeu ici. Le plus important de tous étant décrit par Foster comme le passage du modernisme au postmodernisme, ou encore du sujet au texte [10] , puis passage du sujet individuel à l’autre culturel. Manifestation récente, significative de la fin du XXème siècle que Foster est le plus à même de décrire dans la mesure où cette notion d’autre culturel - issue des Cultural Studies - apparaît d’abord aux Etats-Unis.
Si Foster essaie de démontrer à travers la généalogie des néo-avant-gardes (du Pop Art et Minimalisme au Néo-géo en passant par Sherman et Kruger jusqu’aux signes marchandises de Koons) en quoi la répétition - qui n’est d’ailleurs pas simple reproduction - peut être encore porteuse de subversivité, c’est dans la posture de l’ethnographe que l’artiste semble encore avoir une chance de se substituer à celle de nostalgie du temps passé, et cela, avant même que ce temps ne soit passé [11] .
Les choses se passeraient-elles ailleurs ? Serait-ce le moment de réactualiser Baudrillard [12] « Même si, à priori, la position de Foster semble s’opposer à celle du Français, l’enjeu de l’auteur étant ainsi défini dès l’introduction : » Il s’agit d’un travail de déconstruction : redéfinir les termes de la culture et reprendre la main en politique ?, la question reste ouverte.
Le futur retour du passé nous apprendra s’il aura, avait, aurait eu raison ou pas.
par Elodie ANTOINE
Hal Foster, Le retour du réel, situation actuelle de l’avant-garde, La Lettre volée, Bruxelles, 2005.
Isbn : 2-87317-218-5
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